La rentrée approche à grand pas. Le challenge slow touche bientôt à sa fin. Et vu qu'il est question depuis 8 semaines de s'interroger sur la manière de rendre le quotidien plus slow, il est impossible de faire l'impasse sur la question du travail. Je ne peux pas vous assurer à 200% qu'il est possible de travailler moins mais mieux, dans l'état actuel des choses. Parce que la magie du travail c'est d'y dédié une bonne partie de sa journée et de n'avoir qu'un contrôle partiel de ce que l'on peut y faire, notamment quand on est salarié. Du coup, je ne vais pas que vous donner des pistes pour travailler moins mais mieux, je vais aussi me demander s'il est possible (et dans quelles mesures) de travailler moins mais mieux.
Rappel - Le challenge slow de l'été
L'été et les vacances sont généralement une période propice pour lever le pied et vivre de manière plus slow. J'ai eu envie de vous proposer un challenge: profiter de l'été pour imaginer et mettre en place les fondations d'un quotidien plus slow. Evidemment, si vous tombez sur cet article en plein hiver, ça marche aussi. L'idée est de vous inviter à repenser différentes facettes de votre quotidien pour qu'il soit en adéquation avec vos valeurs.
Sommaire de ce 8ème article du challenge slow:
Pourquoi devriez-vous chercher à travailler moins mais mieux?
L'accomplissement par le travail
Commençons avec une anecdote personnelle: Depuis que j'ai quitté la fac et même avant, mes périodes sans activité professionnelles ont été très rares, très courtes et je ne les ai jamais subies. Et je vis avec Flo qui n'a pas du tout le même parcours pro que moi. Il a travaillé mais moins et il a souvent été sans emploi. Même en ce moment, on est en Asie, je travaille à mon compte et lui ne travaille pas. Et cette dynamique pose problème!
Honnêtement, ces dernières années, ça ne me pose pas spécialement de soucis. Ca m'a posé problème quand je cumulais 3 boulots il y a 4 / 5 ans et que j'étais en train de flinguer ma santé. Mais depuis qu'on vit en Asie, ça ne me gène pas du tout. J'ai juste peur qu'il s'ennuie ce qui n'est pour le moment pas le cas. En revanche, cette dynamique posait problème à certaines personnes qui faisaient partie de notre groupe d'amis. Certains le pensaient, d'autres le disaient tout haut. (Je ne sais pas ce qui est pire..) "C'est une feignant parce qu'il ne travaille pas", "il a raté sa vie parce qu'il ne trouve pas d'emploi", "il doit avoir quelque chose qui cloche vu qu'il ne trouve pas de travail"... et j'en passe.
Tout ce jugement montre qu'on a une vie accomplie quand on travaille. Il faut travailler pour avoir réussi sa vie. D'ailleurs quand on utilise généralement l'expression: "réussir sa vie" c'est pour parler en grosse partie du travail et du confort matériel que le travail offre. Mais si vous arrivez sur cet article, c'est qu'au fond de votre esprit, vous savez que le travail n'est pas la seule facette de notre vie qui peut-être épanouissante et qu'il y a bien des manières d'être accompli(e).
Je vous passe le fond de ma pensée qui est un lynchage de la société capitaliste. C'est à elle qu'on doit l'importance du travail dans l'accomplissement de soi. C'est à elle aussi qu'on doit l'absence d'alternatives. En revanche, il faut savoir qu'être dans une démarche de travailler moins (mais mieux) c'est une approche très marginale et il y a tout à faire. Votre employeur, vos clients ne comprendront probablement pas votre démarche. Vos proches non plus.
Cette question du burn-out
Je ne pense pas avoir fait un burn-out, il y a 4 ans, avant qu'on prenne la décision de prendre nos cliques et nos claques. C'était un tout et je travaillais bien trop. Je prenais néanmoins du plaisir à bosser. Depuis que nous avons quitté la France, j'ai des proches qui ont fait des burn-out. Ca me fait chier pour eux, surtout pour le père de mon filleul. C'est très frustrant d'être face à la douleur et de ne pas savoir comment aider et comment la rendre moins difficile à supporter. C'est aussi inquiétant que de plus en plus de gens tombent en détresse à cause du travail. Où est-ce qu'on a chié pour en arriver là? Je suis encore en train de me poser la question et donc je n'ai pas de réponse à vous donner. Ce qui me semble alarmant cependant c'est que le burn-out n'est pas considéré comme un signal d'alarme d'un système qui va mal. Quand on a de la fièvre, c'est que le corps va mal et il faut aller chez le médecin. Pourquoi on ne considère pas le burn-out comme on le fait pour la fièvre?
Elle est compliquée cette question. Je pense que les salariés ne sont pas le problème, mais pas du tout. C'est aux personnes qui sont à des postes à responsabilité de se charger de cette question. Mais pourquoi changer un système rentable? [Je m'arrête là. Si je continue je vais partir sur un pamphlet sur les hauts dirigeants et les actionnaires... Ils sont le problème mais ce n'est pas tout à fait la question de cet article.]
Quelle valeur a votre vie?
Quelle valeur a votre vie? Elle peut sembler atroce cette question mais moi, je me la pose. De temps en temps, il m'arrive de regarder les offres d'emplois en France que ce soit pour moi comme pour Flo. Et quand j'ai du bol, sur les annonces, il y a le salaire. Pour les emplois sans responsabilités, le salaire est affiché à l'heure; pour les emplois avec un peu plus de responsabilités le salaire est affiché en annuel. Ecrire noir sur blanc le salaire annuel d'un veilleur de nuit montrerait l'absurdité de la somme. Mais vu qu'on passe une bonne partie de sa vie a travailler pour avoir un salaire, ce salaire met un chiffre sur la valeur de notre vie. Mon cas est particulier, je vis sous le seuil de pauvreté français mais en Asie et j'ai fait des choix drastiques pour avoir cette liberté. Et puis, quand arrivera la fin de ma vie, j'attache peu d'importance au fait de mourir riche. (Je serai riche d'une manière différente!)
Il y a quelques semaines, j'ai vu un poste d'assistant d'éducation, 26h / semaine payées 900 balles par mois. J'ai déjà été assistante d'éducation, mon salaire n'était pas "aussi élevé". Et même si le contact avec les enfants était top (parfois dur mais top), il fallait encaisser certains collègues ou l'absence de qualités managériales de mon chef direct. 900 balles pour ça... Merde quoi! Les plus blasés (et ils sont nombreux) diront que c'est mieux que rien. Dans un sens, c'est vrai. Mais après? Ce type de contrat n'est pas à vie, quand j'étais AE, on pouvait l'être 5 ans. Et après, ça ouvre à quoi? A rien. Donc on ne peut même pas compenser l'absurdité du salaire avec une plus value quelconque à la sortie.
Travailler moins mais mieux: Salarié X Indépendant
Travailler moins mais mieux quand on est salarié
Ca doit être possible dans certains cas. J'ai beau faire le tour de mes proches et des personnes moins proches que je connais, il n'y a personne dans cette situation. Certains ont la possibilité d'avoir des horaires presque flexibles. Ils peuvent arriver plus ou moins tard au boulot et partir plus ou moins tard. Mais tous doivent travailler au moins 35 heures ou le nombre d'heures prévu dans le contrat. Travailler moins est donc compliqué.
Travailler mieux. Sachant que mes amis ont tous plus de 30 ans et qu'ils travaillent tous depuis de nombreuses années, ils ont des idées pour pouvoir travailler mieux. En revanche, rares sont ceux qui peuvent mettre en oeuvre ces idées.
Dans mon parcours professionnel, j'ai été amené une fois à travailler moins mais mieux. C'était quand j'étais enseignante. Je me souviens du premier jour, je suis arrivée avec mes textes du Bulletin Officiel, une furieuse envie d'attaquer le programme. Et puis, les élèves m'ont mis au pas en moins d'un quart d'heure. C'est la seule fois où j'ai du réfléchir et prendre une décision aussi vite. Soit je restais sur mon idée de suivre le programme et je faisais cours à moi-même, soit je m'adaptais aux jeunes adultes en face de moi et je faisais en sorte que l'année serve vite fait à quelque chose. J'ai évidemment choisi la 2ème solution. Et ma manière d'enseigner était très peu orthodoxe. J'ai eu du bol, mon chef se gardait bien de mettre son nez dans ma manière de faire. On n'a pas tant travaillé avec mes élèves. Du moins, pas comme tout le monde l'entend. Ils n'ont jamais pris une note de cours en un an pour certains. Ils ont eu 1 devoir à faire chez eux sur l'année. Et j'ai eu les meilleurs résultats depuis des années. Ce n'est pas pour me la péter. C'est juste pour montrer qu'une pause de 10 minutes entre chaque heure de cours, des petits déj' en classe le matin, des conversations qui n'avaient rien à voir du tout avec le cours, des heures à passer à discuter, c'était tout de même payant et le résultat était mieux que ce qu'espérait mon boss. On a travaillé, mais moins!
Travailler moins mais mieux pour le salarié en télétravail
2020, l'année du télétravail... Même si ce n'est pas une nouveauté, le télétravail est malheureusement devenu une alternative à cause de la pandémie. Ca c'est fait un peu à l'arrache, du moins, de ce que j'en ai vu. Je suis "pour" le télétravail quand il est bien fait. Il y a une question de limites. Savoir se limiter dans le temps. Savoir profiter d'une meilleure productivité pour ne pas en faire plus. Savoir cloisonner vie privée / vie professionnelle. Cette démarche est différente que celle d'aller au boulot, avoir à travailler sans discontinuer plusieurs heures. Il y a plus de liberté. En revanche, ça demande plus de rigueur et de s'imposer un certain cadre de travail. Ca s'apprend. Avec cette question du télétravail en ce moment, j'ai "peur" que les gens soient plus productifs et en fassent plus encore. L'escalade du toujours plus me fait peur. Le travail qui s'invite à la maison, le professionnel dans la sphère du privé, n'est pas nécessairement très sain. Perso, je bosse "à domicile" depuis une dizaine d'années. Je me suis plantée une paire de fois avant de trouver le rythme qui me va bien et réussir à cloisonner vie pro / vie perso. Vu que le travail à domicile a été mis en place dans l'urgence pour certains, j'ai peur des dérives.
Travailler moins mais mieux quand on est indépendant
L'idée qu'ont les salariés du statut d'indépendant est la liberté. C'est vrai, je suis libre de travailler quand je le souhaite, de où j'en ai envie. Mais être à son compte c'est avoir une grande rigueur de travail. C'est aussi être seul. Quand je vivais encore en France, personne autour de moi, ne comprenait ma charge de travail. Ca doit encore être le cas maintenant. Les gens pensent souvent que je me la coule douce au soleil. La réalité est un chouïa différente. Je travaille moins mais mieux dans le sens où j'ai re-défini 3 choses: 1/ ce qui est important et qui doit être fait 2/ ce qui n'est pas important et dont je peux me passer 3/ ce que je prends plaisir à faire. Je travaille encore à trouver cet équilibre...
Comment travailler moins mais mieux?
Donner du sens à la productivité
Etre productif, c'est probablement le mal du siècle (avec le mal de dos!) Je ne connais personne à qui on ne demande pas d'être productif - et ce, toujours un peu plus. Je ne vois (presque) aucun mal à être productif. C'est même nécessaire dans le milieu professionnel en France. Mais ce n'est pas parce que je suis plus productive et efficace que je vais en faire plus que nécessaire. Si je peux faire une tâche en 3 heures au lieu de 5, les 2 heures restantes, je peux les passer à faire autre chose et ce n'est pas nécessairement lié au travail. (Parfois oui mais c'est rare!) Le soucis c'est que la plupart des gens sont bloqués au moins 35h au boulot. A quoi bon mieux utiliser son temps et rester à glander devant ses collègues? Ce serait quand même mal vu. Je connais un tas de personnes qui mettent un frein dans leur rythme de travail juste pour dire de faire semblant d'être occupées toute la semaine...
Adapter ses horaires pour un rythme plus naturel
Autre point aussi qui serait intéressant de considérer pour travailler moins mais mieux c'est les horaires de travail. Là dessus, je suis chanceuse d'être à mon compte. Je bosse quand ça me chante, surtout quand je suis le plus productive, c'est à dire le matin. Je bosse tous les matins, 6 à 7 jours par semaine. Il m'arrive de bosser le soir et l'après-midi mais je suis beaucoup plus lente. Le soucis c'est que le monde salarial est rigide à ce niveau là.
Faire en sorte de ne pas ramener le / du travail à la maison
Dernier point, celui-ci, ne dépend pas nécessairement de votre employeur: ne pas ramener de travail à la maison. Que ce soit des dossiers ou les emmerdes! C'est plus faciles à dire qu'à faire. Combien de fois je suis rentrée du boulot avec l'esprit contrarié... (Sauf quand j'ai enseigné il y a 4 ans!) Compartimenter est loin d'être une tâche facile, cependant, ça me semble nécessaire. Perso, je pense beaucoup à mon boulot, même quand je ne suis pas devant mon écran d'ordinateur. J'ai besoin de préparer mes articles dans mon esprit, mes projets. Cela me permet de commencer quelque chose en ayant une idée de ce que je fais. (Je fais pour le boulot une sorte de carte mentale ou de tableau de visualisation mental.) Il y a deux choses que je fais en Asie que je ne faisais pas en France. 1/ Couper le boulot assez longtemps avant de manger. Si j'arrête de bosser pour immédiatement aller manger, je vais continuer à parler boulot (et à faire chier Flo). J'ai besoin d'un sas de décompression pour passer du mode "je bosse" au mode "je fais autre chose". 2/ J'arrive à couper vraiment mon esprit du travail, je ne savais pas / je ne pouvais pas le faire en France. Si je décide d'aller me promener, je ne vais pas pourrir ma promenade avec le boulot. En ce moment, j'ai la chance de vivre près d'une rivière. Si je vais jusque la rivière, le trajet me sert à me vider la tête de toute trace de boulot. Une fois que j'ai le paysage devant les yeux, je peux le contempler plus aisément. (La contemplation est une forme de méditation, je ne me contente pas de dire: "c'est beau" et de me casser.)
Le travail en Asie
Le travail en Asie fait partie de ma réflexion. J'ai la chance de vivre dans une culture différente, ce serait con de passer à côté! Travailler en Asie pour un asiatique c'est différent que de travailler en France pour un français. Je ne sais pas dire ce qui est pire...
Le rythme de travail en Asie
Dans tous les pays d'Asie où nous avons vécu, les gens travaillent 6 à 7 jours par semaine et pas 7h / jour. Même nos potes en Inde qui ont des postes d'ingénieurs travaillent généralement 12h / jour. Les 35 heures, ce n'est VRAIMENT pas la normalité en Asie. Les congés payés non plus. Les congés sont un luxe que la majorité n'a pas.
En revanche, il n'est pas demandé la même chose aux employés. On n'y fait plus attention maintenant mais ça nous avait choqué il y a 4 ans quand on est arrivé: les gens glandent sans se cacher quand ils travaillent. Même nos potes ingénieurs, ils glandent sévère. Je reviens après sur la productivité.
Ce qui est aussi remarquable, notamment en Inde, c'est le nombre d'employés; Au restau, ça nous est déjà arrivé de voir plus de serveurs que de clients. Parfois, il y a 3 vendeurs dans une boutique de 12m2 et aucun clients.
Cette idée de productivité en Asie
Elle n'a rien à voir avec celle que nous avons en France... L'exemple le plus flagrant était au Laos. Mon frère était manager dans un hôtel de luxe. Il avait une équipe sous ses ordres. Et près du boulot du frangin, il y avait un espace tranquille avec une vue extra. Ca nous est arrivé avec le frangin de nous y retrouver avant de commencer sa journée et j'y allais aussi pour contempler le paysage. C'est déjà arrivé à plusieurs reprises de voir les gars de l'équipe de mon frère glander à cet endroit. Ils étaient seuls, sur leur téléphone et définitivement, ils n'étaient pas en train de bosser alors qu'ils auraient du. La première fois que j'en ai parlé au frangin, il m'a répondu une phrase laotienne très utilisée "bo peniang". En gros, cela signifie: ce n'est pas grave (et pas besoin de se miner avec ça). Partout, dans chaque pays d'Asie où on est allé, on a des exemples dans ce style là. Les attentes ne sont visiblement pas les mêmes du tout. Est-ce que c'est bien? Est-ce que c'est mal? Je n'ai pas d'avis sur la question. C'est juste une autre manière de travailler.
Nous arrivons à la fin de cet article. D'habitude j'aime faire en sorte de vous donner des exemples pratiques à mettre en oeuvre pour adopter un quotidien plus slow. Je suis désolée, ici, je ne peux que vous inviter à repenser votre manière de travailler. Je vous invite aussi à discuter avec votre chef si vous en avez un pour créer un environnement de travail plus slow. Tous les chefs ne sont pas des connards avides de pouvoir. Avec de la volonté et de la patience, je suis sûre qu'il doit être possible de travailler de manière plus humaine et plus en adéquation avec votre personnalité, vos besoins naturels, vos forces et vos faiblesses. [Julie, l'utopique, le grand retour!]
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